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“Conquérir sa joie vaut mieux que de s’abandonner à sa tristesse” écrit Gide dans son journal. Mais qu’est-ce qui produit de la joie en vous ?

Prendre un peu de temps pour méditer sur cette question en conscience vaut sans doute le détour. Car quelle perspective plus terrible pourrait-il y avoir que celle de vivre une vie sans joie ? Cette sensation unique que vous percevez dans votre être – corps et âme – lorsqu’il est traversé par la joie, n’est-elle pas l’une des plus belles expériences de l’existence humaine ?

Selon une légende, la joie est même au cœur des deux questions que nous posent les dieux au moment où nous rendons compte de nos actions et de la manière dont nous avons vécu sur Terre. Afin de juger nos âmes, ils nous demandent: premièrement “as-tu trouvé la joie dans ta vie” et, deuxièmement, “est-ce que ta vie a donné de la joie aux autres” ?

Il faut généralement parvenir à un certain âge ou avoir franchi certaines épreuves pour savoir, avec certitude, que nos possessions, nos titres et nos réalisations peuvent nous apporter des moments de plaisir intenses mais certainement pas une joie durable. Une fois l’intensité passée, elle engendre le désir qui produit à son tour la frustration qui pousse l’ego vers le “toujours plus”, sans jamais rassasier son appétit dévorant d’accumulation et sans réussir à désamorcer sa peur de disparaître, de ne pas être reconnu et admiré pour le “faire” et “l’avoir”.

C’est sans doute pour cela que les publicitaires représentent cette expérience précieuse de la joiejoie pleine conscience avec toutes sortes de visages souriants et de situations gaies qui peuplent notre quotidien de consommateur potentiel. Comme si l’accomplissement d’activités, l’acquisition de services ou la possession d’objets pouvaient nous procurer cette joie profonde à laquelle nous aspirons tou•te•s sans même le savoir. Mais, en fait, il n’y a que peu de rapport entre la joie authentique et la façon dont le Monde nous propose de trouver la joie. “La joie qui a besoin d’une cause ce n’est pas la joie mais du plaisir”, écrit Gustave Meyrink.

Si nous examinons notre quotidien avec attention, nous constaterons sans doute que nous passons le plus clair de notre temps en mode zombie ou “pilotage automatique”. Nous ruminons souvent au sujet de situations qui n’existent plus et que nous réinventons sans cesse en nous reprochant la façon nous avons réagi ou pas et en imaginant ce que nous aurions du faire si nous avions été différent•e•s de ce que nous étions à cet instant là. Où alors nous nous projetons dans un avenir qui n’existe pas encore, imaginant toutes sortes d’options hypothétiques au sujet de la vie que nous aimerions avoir en relation avec nos listes de choses à faire ou à acheter.

Nous sommes parfois tellement excités à l’idée de vivre des situations futures que nous en perdons toute appréciation de l’instant présent, attendant avec impatience ce moment à venir qui s’avèrera peut-être très décevant par rapport à nos attentes démesurées. Cette capacité humaine à vagabonder dans le temps a, bien entendu, un certain nombre d’avantages. Mais c’est surtout une prison mentale qui nous coupe du seul instant qui existe vraiment: ici et maintenant !

Je ne suis pas souvent prisonnier de mon passé que j’ai tendance a rapidement délaisser au sujet de mon avenir que j’imagine toujours meilleur. Je fais donc plutôt partie de la catégorie “prisonniers du futur”, très souvent en train d’élaborer de nouveaux projets, d’imaginer, de créer, de planifier. 😀

Jusqu’à un certain point, cela a du bon de se pencher sur son passé ou sur son avenir. Puis, passé un certain stade – lorsque l’insatisfaction devient une quasi-seconde nature – il est utile de réaliser que la Vie s’expérimente uniquement dans l’instant présent qui contient en soi tout ce qui est utile pour expérimenter l’un des attributs de la joie: le contentement. Et il en est de même de la sensation de joie qui ne peut être perçue qu’ici et maintenant.

“Si nous sommes dans la joie, écrit le poète Horace, gardons-nous de porter nos pensées au-delà du présent“. Une belle façon de dire que l’instant est la véritable demeure de la joie et qu’il n’y a pas de joie sans contentement, sans acceptation des choses telles qu’elles sont.

Qu’est-ce que la joie ?

La joie est en premier lieu une émotion agréable, puissante et profonde expérimentée par le corps, puis un sentiment exaltant ressenti par toute la conscience et qui peut persister malgré la souffrance personnelle ou collective.

La joie nous met en mouvement et nous donne la force et le courage de faire face à l’angoisse de la mort. C’est cette énergie lumineuse qui nous relie à tous les êtres et nous fait sentir en lien avec la Vie, le Monde et l’Univers.

C’est aussi cette capacité humaine – pour ne pas dire animale – intrinsèque, à nous satisfaire inconditionnellement d’être et d’être vivant, de nous sentir vivant à chaque instant, sans que cela ne dépende d’aucune cause extérieure.

La beauté est dans l’œil de celui qui regarde, dit le proverbe. Or je pense que la joie est l’émotion première, celle qui précède toutes les autres, y compris la peur. Je suis convaincu, pour l’avoir observé avec les trois miens, qu’un petit enfant vit pleinement dans l’instant présent. Avant longtemps, il ne sait pas ce qu’est hier, ni ce qu’est demain. Or je n’ai jamais observé de “peur naturelle” sur le visage d’un nouveau-né que l’on effraie pas intentionnellement ou involontairement. En revanche, j’y ai souvent vu la joie de visages fendus par un sourire béat. Toutes les mères peuvent se souvenir de tels moments de grâce. Je m’en souviens et nous avons même une expression pour cela : “(sou)rire aux anges”.

Nous cherchons une cause extérieure à ce comportement qui, en fait, émane comme de l’intérieur du nourrisson qui EST pleinement présent à sa propre expérience. Quelque chose en chacun•e de nous persiste “d’avant la naissance”. Cette lumière joyeuse – comme en arrière-plan – qui demeure encore accessible à ces nourrissons qui, dans leurs berceaux, sourient aux anges et gigotent joyeusement dans leur barboteuses en babillant. Ils fixent dans l’espace devant eux quelque chose qui appartient à la nature de l’instant présent et que nos yeux d’adultes ne savent plus voir. L’avez-vous remarqué ?

Selon Confucius, “la joie est en tout, il faut savoir l’extraire”. À un certain niveau la joie fait partie non seulement de la nature même de l’existence, mais je crois qu’elle fait aussi de la nature même des choses. Ainsi, si la vie était un projecteur, la joie serait comme cette lumière en arrière-plan qui projette les évènements du film de l’existence sur l’écran de la vie.

La joie, c’est cette lueur qui persiste dans les tréfonds de notre être et qui détient le pouvoir d’illuminer aussi bien nos embellies que nos tempêtes intérieures. Il suffit d’ailleurs que nous choisissions de garder en mémoire que ce sont souvent les nuits les plus sombres qui révèlent les plus belles étoiles pour retrouver le chemin de la joie.

Et si la joie est en tout alors l’existence tout entière – avec ses hauts et ses bas – peut devenir un sujet de réjouissance pour peu que – tôt ou tard – nous décidions de voir la pulsion de vie dans la souffrance, la peur, la tristesse, la frustration, l’ennui, la haine ou même la mort. Jésus affirme: “en vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit”.

Reconnaitre joyeusement que l’ombre et la lumière font naturellement partie des aspects de la Vie ne signifie pas que l’on renonce à amener plus de liberté, de justice et de paix dans ce Monde. Mais la joie de vivre se nourrit du meilleur comme du pire de nos expériences.

Nous avons perdu le sens de la joie

Notre culture a perdu le vrai sens de la joie au profit de la satisfaction éphémère des désirs au travers du plaisir charnel, de la possession d’objets, de richesses, de biens ou de titres et de la réalisation d’activités. Paradoxalement, lorsqu’on emprunte ce chemin, on s’éloigne de plus en plus de la vraie joie en nourrissant la peur et l’angoisse liées à la perte.

La fausse joie se nourrit uniquement des aspects positifs d’une situation quand la vraie joie se cultive aussi dans les moments sombres, sans désespérer.

C’est ce que Paul, persécuté pour sa foi, cherche à dire aux Corinthiens ?: “Nous sommes pressés de toute manière, mais non réduits à l’extrémité; dans la détresse, mais non dans le désespoir ; persécutés, mais non abandonnés ; abattus, mais non perdus ; portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps. Car nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre chair mortelle. Ainsi la mort agit en nous, et la vie agit en vous. […] C’est pourquoi nous ne perdons pas courage. Et lors même que notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles”.

C’est aussi ce que Montaigne écrit, dans ses essais, après avoir raconté ses plaisirs et ses peines: “pour moi donc, j’aime la vie et la cultive telle qu’il a plu à dieu de nous l’octroyer”.

Du fait de notre vécu personnel, de nos histoires familiales, de nos conditions de vie, de nos expériences sociales, nous ne savons pas tou•te•s faire vibrer la joie de vivre dans nos vies à tout instant, y compris dans les passages sombres.

Il peut même nous arriver de perdre la joie en nous abandonnant à la tristesse ou en nous plongeant dans le désir et le plaisir de posséder, et donc dans la peur intrinsèque de perdre ce qui a été acquis. Nous oublions très souvent assez vite que la joie n’est pas liée au “faire” ni à “l’avoir” mais à “l’être”.

Nous sommes comme frappés d’amnésie face à la douleur et aux souffrances qu’elle engendre, excluant d’emblée le fait qu’être vivant est un miracle permanent. Or, tant que nous respirons, comme l’écrit Jon Kabat-Zinn, “il y a plus de choses qui vont bien que de choses qui vont mal”. Heureusement – parce qu’elle est présente en chacun•e de nous comme une lumière en arrière-plan – je crois que nous disposons certainement tou•te•s du pouvoir de cultiver la joie à chaque instant.

À force de laisser votre esprit s’émousser sur toutes les pensées négatives à votre propre sujet – liées aux regrets, désirs, espoirs ou craintes – peut-être avez-vous perdu le sens de la joie ?

Pratiquer la pleine conscience est la façon la plus rapide d’expérimenter une existence plus savoureuse, plus joyeuse à chaque instant. Cette pratique implique une attention vigilante à l’expérience éprouvée instant après instant – aussi bien intérieurement qu’extérieurement – qui s’accompagne d’une attitude de non-jugement, d’acceptation des choses telles qu’elles sont. Intérieurement, nous devenons plus présent•e•s à notre corps et à notre esprit et – dans le même temps – nous élargissons notre attention à notre environnement, ce qui conduit à être bien plus en contact avec ces multiples occasions anodines offertes par le quotidien et qui sont sources de joie.

Sur le chemin de la maitrise de ce que j’appelle “l’art de vivre en pleine conscience”, on constate rapidement que la pratique n’amène pas seulement un sentiment de plus grande présence à soi-même, aux autres et à la Vie. La pratique conduit également à un sentiment de plus grande sérénité et également de plus grande joie, comme si la vie devenait plus savoureuse. En fait, nous prêtons simplement moins attention à notre “roi des bavards” intérieur, au brouhaha permanent et à la confusion qu’il génère de façon automatique.

En élargissant le champ de notre attention, nous redécouvrons des aspects de notre expérience que nous avions délaissé depuis longtemps.

À chaque instant nous baignons littéralement dans une abondance de beauté. À chaque instant, nous avons l’opportunité de trouver la joie présente ici et maintenant. Thich Nhat Hanh l’exprime fort bien : “nous pouvons sourire, respirer, marcher et manger nos repas d’une manière qui nous permet d’être en contact avec l’abondance de bonheur qui est disponible. Nous sommes très bons pour nous préparer à vivre, mais pas très bons pour vivre tout simplement. Nous savons sacrifier dix ans pour un diplôme, et nous sommes prêts à travailler très dur pour trouver un emploi, une voiture, une maison, etc. Mais nous avons du mal à nous rappeler que nous sommes vivants dans le moment présent, le seul moment où nous sommes en vie. Chaque respiration que nous prenons, chaque pas que nous faisons, peut être rempli de paix, de joie et de sérénité. Nous avons seulement besoin d’être éveillé, vivant dans le moment présent.”

Il doit exister une manière de savoir comment extraire la joie de ces situations afin d’expérimenter la joie ici et maintenant.

Comment cultiver la joie dans nos vies ?

À quand remonte la dernière fois où vous avez expérimenté de la gratitude pour le fait d’être vivant•e ? Quand avez-vous goûté pour la dernière fois au privilège de ressentir la Vie s’écouler au travers de vous à chaque instant ? Quand vous êtes vous exercé•e pour la dernière fois à trouver les aspects constructifs ou positifs de la vie qui vous a été octroyée, même si tout semble vous persécuter ou vous pousser dans la détresse ?

Notez qu’il ne s’agit pas de nier l’existence de la douleur ou de la souffrance pour retrouver la joie de vivre. Il s’agit plutôt de déposer intentionnellement votre attention sur le joie d’être vivant•e pour intégrer et dépasser ce qui fait mal. Et c’est tout l’objet de notre pratique de la pleine conscience et de la méditation. Une pratique qui soutient sans aucun doute notre quête de la joie : elle nous aide en effet à repérer ce qui pourrait entraver la libre expression de la joie en nous aidant à ouvrir les vannes afin que celle-ci s’écoule en nous et au travers de nous aussi fréquemment que possible.

Pour commencer, il est important d’avoir à l’esprit qu’il n’y a pas de joie sans acceptation. “Accepte-toi tel•le que tu es !” C’est la première intention à nourrir. Puis, reconnecte-toi avec le plaisir de te sentir vivant•e.

La joie nait et s’expérimente dans des choses très simples :

  • marcher pieds nus dans la rosée du matin,
  • tourner son visage vers le soleil et le sentir réchauffer la peau,
  • savourer un bon plat ou un bon vin en conscience,
  • prendre un bain parfumé,
  • écouter de la musique,
  • contempler un feu de cheminée,
  • s’allonger dans l’herbe,
  • faire un câlin à un être aimé,
  • apprécier un lever ou un coucher de soleil,
  • écouter attentivement le chant d’un oiseau,
  • observer les vagues à la surface d’une étendue d’eau,
  • caresser l’écorce d’un arbre avec les mains, etc

Autant de situations qui parlent d’attention à l’instant présent, d’acceptation des choses telles qu’elles sont plutôt que telles qu’elles pourraient, devraient ou auraient du être. Car notre quotidien à tou•te•s est fait de ces multiples évènements en apparence anodins.

La pleine conscience ne consiste pas seulement à se sentir présent•e et joyeux tout le temps. Cette pratique nous aide aussi à faire face aux situations difficiles.

Une des clés de la pleine conscience réside dans le fait que c’est une pratique – un art de vivre en fait – qui s’appuie entre autres choses sur le non-jugement. Cela signifie que nous apprenons à remarquer tout ce qui se passe – bonne ou une mauvaise situation – sans vouloir autre chose que ce qui est présent à l’instant.

Habituellement, dans une situation désagréable, une fois que nos émotions désagréables nous submergent, il est difficile de voir quelque chose sous un jour positif et nous pouvons facilement faire, dire ou penser quelque chose que nous regretterons plus tard.

Mais grâce à la pratique de la pleine conscience, nous pouvons développer une certaine distance entre nous et nos émotions, afin de ne pas nous accrocher – voire nous identifier – à celles-ci comme étant des choses immuables ou permanentes. Par exemple cela ne devient plus “ma colère” mais je me vois simplement comme étant “en colère” de façon passagère. Je ne pense donc plus que “je suis ma colère !” mais plutôt que “une partie de moi ressent une colère momentanée et je sais que celle-ci va bientôt passer”.

À force de pratique, cette distance me permet – plutôt tôt que tard – de décider de voir la pulsion de vie, le changement, le positif dans une situation douloureuse dans laquelle j’aurai initialement perdu tout contrôle.

R.É.A.L.I.S.E. la joie d’être en vie en 7 respirations

Voici une pratique utile et inspirée que j’ai élaborée et qui peut être utilisée n’importe quand et n’importe où.

Vous pouvez terminer la pratique en sept respirations ou vous pouvez vous attarder sur chaque étape pendant quelques respirations avant de progresser au stade suivant.

Chaque souffle se résume en un mot afin de vous aider à vous souvenir comment focaliser votre attention sur la pratique et comment délier tout ce qui vous attache au passé ou au futur et qui vous éloigne de la joie.

La pratique se résume dans cet acronyme : R.É.A.L.I.S.E.

  • Respire
  • Éprouve
  • Accueille
  • Libère
  • Incarne
  • Savoure
  • Élargis

Voici comment l’appliquer :

 

REALISE protocole pleine conscience

Une pratique simple, à renouveler aussi souvent que nécessaire pour retrouver la source de la joie en soi.  😉

Jean-Marc Terrel
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