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Si vous prenez le temps de passer votre vie en revue avec authenticité pendant quelques minutes, il est presque certain que les moments les plus agréables et mémorables dont vous vous souviendrez sont ceux dans lesquels l’engagement de votre esprit dans l’instant présent était total.

A contrario, je fais le pari que tous ces épisodes ou, par exemple, vous étiez absorbé par vos problèmes professionnels pendant que vous rentriez à la maison – comme, d’ailleurs, tous ces moments où vous étiez ailleurs dans votre tête que là où se trouvait votre corps – ne vous ont pas laissé un souvenir impérissable. Dans ces derniers cas, vous étiez simplement désengagé de votre expérience de l’instant et, comme le dit l’expression consacrée, “perdu dans vos pensées”.

L’engagement avec soi-même

Malheureusement, pour la plupart d’entre nous, il se trouve que l’essentiel de la vie se passe de cette façon, dans ce mode de pilotage automatique que j’appelle le mode zombie : l’engagement bénéfique dans l’instant présent cède la place à des super-productions mentales, toxiques, dans lesquelles nous nous faisons tout un cinéma.

Comment ? Tout simplement en ruminant sur un passé qui n’existe plus ou en nous projetant avec inquiétude dans un futur qui n’existe pas encore. Nous vivons comme dans un film, déconnecté de nous-mêmes et de la seule réalité concrète, celle de l’instant présent. C’est un peu comme si toute une partie de notre vie, parfois très conséquente, se vivait dans l’absence à notre propre expérience : nous nous trouvons à faire quelque chose à un endroit, tout en pensant à des choses que nous ne faisons pas et à des endroits où nous ne sommes pas présents.

Le temps défile alors sans que nous nous en rendions compte et c’est une perte, pas un gain car des pans entiers de notre propre vie nous échappent complètement.

L’engagement dans l’instant est une clé pour notre épanouissement

Avez-vous remarquez que, dans le vaste domaine de la connaissance de soi, l’un des points communs de presque tous les courants religieux ou spirituels concerne le fait que l’engagement dans l’instant présent détermine en grande partie notre capacité à être heureux ?

Chamanisme, bouddhisme, hindouisme, jaïnisme, judaïsme, christianisme, soufisme comportent tous des invitations claires à vivre l’instant présent. Les pratiques psycho-corporelles anciennes comme les yogas ou les arts-martiaux traditionnels sont également très tournées vers la présence à soi-même dans l’instant.

Et que dire des auteurs ou enseignants reconnus internationalement – comme Henri David Thoreau, Ralph Wado Emerson, Ram Dass, Thich Nath Hahn, Eckhart Tolle, Biron Katie et bien d’autres encore – qui nous enjoignent tous d’actualiser le gigantesque potentiel de transformation personnelle dissimulé dans la simple attention au moment présent ?

Clairement, beaucoup de celles et ceux qui sont connus pour avoir trouvé un chemin vers une joie pleine et récurrente s’appuient sur l’engagement dans l’instant présent comme étant une pratique essentielle pour se transformer soi-même et reprendre le pouvoir de sa vie.

Les bienfaits de telles pratiques sont tels que, aujourd’hui, de nombreuses techniques font, avec un certain succès, leur entrée dans l’entreprise, l’hôpital ou l’école. Qu’il s’agisse, par exemple, de communication interpersonnelle avec la PNL, l’analyse transactionnelle ou la CNV, d’approches thérapeutiques comme l’écoute active rogerienne, le training autogène, la relaxation, l’hypnose humaniste, la sophrologie, la cohérence cardiaque, les thérapies cognitives et comportementales ou la méditation pleine conscience.

Chacun de ces “modèles” fait implicitement ou explicitement appel à notre capacité de présence attentive à l’instant. Les emballages sont différents mais le cadeau qu’ils contiennent est toujours le même : une meilleure connaissance de soi. Mais qu’y a-t-il donc de si particulier dans cet instant présent pour que cela se produise ?

Dans l’instant présent, en soi, il n’y a rien.

Oui je sais que cette affirmation ne conviendra pas à toutes celles et ceux qui viennent à la méditation avec un objectif – par exemple de mieux-être – mais, en fait, il n’y a rien à faire et nulle part où aller. Il n’y a rien à attendre de l’instant présent en soi.

C’est plutôt dans notre façon d’aborder cet instant que se trouve le pouvoir de ce qui nous transforme.

Car l’instant peut-être particulièrement violent et douloureux parfois, comme l’est la Vie au moment d’un accident, d’une maladie grave ou de la perte d’un être cher. La réponse ne réside donc pas dans l’instant lui-même mais bien dans notre façon de l’accueillir : ce n’est que lorsque nous sommes présents à notre propre expérience de l’instant, dans l’acceptation et le non-jugement, que nous voyons la beauté au-delà de la laideur, que nous ressentons la gratitude même derrière la souffrance et que faisons l’expérience du bonheur malgré la peine.

Il est donc tout à fait raisonnable de favoriser l’engagement personnel dans l’instant présent, par des pratiques attentionnelles, car celui-ci nous aide à développer toutes ces qualités dont nous avons besoin pour nous changer nous-mêmes avant, éventuellement, de contribuer à changer le Monde.

En nous engageant dans l’expérience de l’instant présent, nous nous améliorons en quittant la réactivité et les automatismes produits par le mode zombie. Nous reprenons possession de notre vie et de notre pouvoir de choisir comment accueillir chaque instant.

Tout cela, beaucoup d’entre nous le savent déjà, intuitivement au moins, ou l’ont déjà expérimenté. Pourtant, la plupart d’entre nous – les gens normaux qui ont un travail, font des courses et écrivent des listes de tâches – passent la plupart du temps à considérer leur passé ou leur avenir plutôt que leur instant présent.

Pourquoi ne captent-ils pas naturellement que quelque chose ne tourne pas rond ?

Une grande partie du problème provient, d’après moi, de la force d’inertie des habitudes : en effet, la plupart d’entre nous sont extrêmement habitués à vivre dans leurs pensées, loin de l’engagement dans le présent. Le passé remémoré et l’avenir supposé attirent la plupart du temps toute notre attention.

La fable de la grenouille qui ne sait pas qu’elle est cuite

Nous sommes comme la grenouille de la fable qui nage dans une marmite remplie d’eau : un feu est allumé sous la marmite pour faire monter très progressivement la température. La grenouille continue de nager, comme à son habitude, dans le récipient sans s’apercevoir de rien.

La température continue de grimper, l’eau est maintenant tiède. La grenouille s’agite un peu moins mais ne s’affole pas pour autant. Elle s’habitue à la température de l’eau qui continue lentement de grimper.

L’eau devient maintenant chaude et même si la grenouille, affaiblie, commence a trouver cela désagréable, elle encaisse la chaleur. La température continue de monter, jusqu’au moment où la grenouille, tellement faible, fini tout simplement par mourir cuite.

Question : si la même grenouille avait été plongée directement dans une eau à 50 degrés, sans phase d’habituation, n’aurait-elle pas immédiatement eu le réflexe vital qui l’aurait projetée loin au dehors de la marmite ?

Cette fable – détournée de l’expérience scientifique d’origine accomplie en 1882 à l’institut Johns-Hopkins – cherche à nous montrer quelque chose d’important : lorsqu’un changement s’effectue d’une manière suffisamment lente, il échappe à notre conscience et ne suscite la plupart de temps aucune réaction, aucun combat, aucune rébellion.

Bien que l’expérience soit discutable et que la thèse soit sujette à controverse, la fable de “la grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite” est souvent utilisée pour illustrer le phénomène d’habituation et de passivité des humains dans un environnement qui se dégrade progressivement ; parfois au point de mettre leur propre vie en péril. Pour ma part, je l’ai entendue pour la première fois en 2009 dans le documentaire “Une vérité qui dérange“, de Al Gore, qui l’utilise pour illustrer la manière dont l’humanité court à sa perte si elle ne réagit pas au lent réchauffement climatique de la planète.

Cette métaphore est souvent utilisée pour dénoncer la passivité humaine et inciter à l’éveil des consciences. Et je trouve qu’elle s’applique fort bien à notre propension naturelle à baigner dans une marmite de souvenirs et de projections qui, lorsqu’ils deviennent trop prégnants, ont le pouvoir de tuer à petit feu notre joie de vivre.

Savoir pourquoi nous sommes tellement fortement prédisposés à fonctionner de cette façon est un vaste débat qui implique la culture, la biologie, la psychologie et une foule d’autres aspects auxquels nous n’avons pas besoin de faire appel pour le moment. Il suffit de dire que la plupart d’entre nous ont baignent dans cette habitude qui consiste à être, la plupart du temps, mentalement et attentionnellement absents de l’instant présent.

Et à moins que vous ne preniez l’engagement sérieux de faire face à l’un des plus grand défis humains – apprivoiser votre esprit turbulent – être attentif à l’instant présent ne deviendra probablement jamais pour vous ni une pratique, ni un chemin de connaissance de soi exigeant mais profondément satisfaisant.

Certaines personnes en font une hygiène de vie, sur un curseur qui s’étend de la méditation quotidienne dans une vie laïque à la pratique intensive dans une vie monastique. Mais si vous ne faites ni l’un ni l’autre, comment pouvez-vous encore espérer cultiver la pleine conscience de façon cohérente et apprendre à mieux vous connaître en profondeur ?

L’engagement est fait d’habitudes positives

L’une des règles de la transformation, concernant les habitudes, c’est que tout ce que vous faites régulièrement finit par prendre le dessus.

Si vous voulez devenir un pâtissier amateur et que vous passez plus de temps à ne pas pâtisser que vous en passez à pâtisser, vous avez simplement pris l’habitude de… ne pas pâtisser.

Mais, croyez-moi, tenter d’être “pleinement attentif” en essayant d’être soudainement présent tout le temps est aussi difficile que de réussir un mille-feuilles ou des macarons quand vous n’avez jamais pâtissé.

Et comme la plupart d’entre nous ne sont pas attentifs à l’instant présent pendant la grande majorité de leur temps, les coupures occasionnelles qui consistent à “se plonger dans le moment présent” sont rapidement submergées par la force d”inertie colossale d’une vie passée dans la marmite de la pensée.

Vous me suivez ? 😀

Pour élever un bébé il y a des étapes à suivre. Beaucoup d’entre nous essayons de grandir en prenant des résolutions répétées pour “remarquer plus les petites choses” ou “vivre dans le maintenant”.

C’est très sympa tout ça, mais ces bonnes intentions sont bien trop vagues pour être vraiment utiles et pour vous faire progresser dans la pratique. Vous aurez peut-être le sentiment furtif d’être plus présent parce que vous venez de lire un livre inspirant sur le sujet ou lorsque quelqu’un mentionnera la pleine conscience, mais à long terme, il y a peu de chances que ce genre de recette imprécise produise de grands résultats.

Votre habitude d’être absorbé et préoccupé par vos pensées est si incroyablement forte que votre frêle attention ne demeurera pas vigilante très longtemps. L’attention est trop subtile et trop délicate, trop légère et vulnérable, pour résister aux vents impétueux d’un esprit qui cède en permanence au mode zombie. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est primordial que vous établissiez des habitudes positives qui seront comme des points de repère dans votre vie quotidienne.

Tout d’abord, oubliez cette idée folle de rester présent et attentif en 24/24 et 7/7. C’est un ordre de grandeur bien trop extrême et, afin de profiter des bienfaits de la pleine conscience, il n’est ni souhaitable, ni nécessaire que vous demeuriez systématiquement dans l’instant présent : ce que je vous invite à faire, c’est plutôt à prendre l’engagement régulier – avec vous-même – de vous familiariser avec la sensation d’être présent.

Et puisque vous ne pouvez pas compter sur un esprit trop préoccupé par le passé ou le futur pour vous rappeler l’importance d’être pleinement présent – ce serait comme un vendeur de rêves qui vous suggère de garder les pieds sur terre 😀 – vous avez besoin de quelque chose d’autre qui vous le rappelle.

Alors, pendant la semaine qui vient, plutôt que d’essayer d’être présent ici maintenant, tout le temps, prenez l’engagement d’être pleinement attentif à chaque fois que vous vous trouverez en situation de faire l’une de ces deux actions simples:

  • ouvrir une porte,
  • vous asseoir sur une chaise.

C’est tout.

Tout le reste est superflu pour les 7 jours à venir.

Laissez le reste des choses qui vous traversent entrainer votre esprit agité dans des trains de pensées, si vous le voulez. 😉 Laissez votre esprit s’échapper pendant vos réunions au travail. Continuez de fantasmer au sujet de la prochaine cagnotte de l’Euro-millions pendant que vous attendez le bus. Mais, à chaque fois qu’elles se présenteront, soyez pleinement attentif à ces deux actions simples. Vous vous devez bien ça non ?

Alors, lorsque vous ouvrez une porte, descendez de votre train de pensées (vous pourrez le récupérer sous peu) et engagez-vous dans l’instant : regardez votre main saisir la poignée de porte. Ressentez le contact de votre main avec la poignée. Ouvrez la porte avec une attention particulière et une intention claire. Ressentez le mouvement d’ouverture dans votre bras et votre corps. Observez la nouvelle scène qui vous est révélée de l’autre côté. Sentez le nouvel air de la pièce dans laquelle vous entrez. Vivez cette transition avec une attention toute particulière.

Tout cet engagement ne vous demande pas plus de 2 ou 3 secondes au départ puis moins par la suite. Ceci étant fait en présence, votre pratique est terminée. Vous pouvez replonger dans la marmite des pensées au sujet de cette conversation avec votre fille ou de ce que vous a dit votre maman récemment.

C’est vous qui voyez. 😀

Puis lorsque vous vous assoirez sur une chaise, abaissez-vous en conscience. Ne vous laissez pas tomber sur l’assise comme une loque. Écoutez les éventuels craquements, crissements ou grincements que fait ce meuble. Ressentez le poids de votre corps et le soulagement de vos jambes. Faites attention à la sensation de contact de vos fesses avec ce support. Et quelque soit l’endroit où se trouve cette chaise, élargissez votre attention à toutes vos autres sensations corporelles. Puis observez la pièce à partir de votre nouvel angle de vue. Après avoir accordé une attention vigilante à l’expérience pendant les cinq ou dix secondes qu’il vous faut, vous pouvez reprendre tout train de pensées que vous aviez avant de vous asseoir.

La plupart du temps, nous ne plaçons pas notre attention à un endroit précis, donc elle est noyée dans notre bavardage incessant.

Or vous pouvez vraiment placer votre attention intentionnellement sur quelque chose de précis, même si cela n’arrive pas souvent. Cette semaine, utilisez la poignée de porte ou la chaise. Si vous pouvez prendre l’engagement d’accorder votre attention sans réserve à ces deux choses, vous commencerez à voir la clarté incroyable qui vous est donnée lorsque votre esprit n’est pas submergé de pensées.

Après plusieurs pratiques, cela commencera à devenir plus automatique ou habituel. La simple sensation d’une poignée de porte, ou la sensation de déplacement pour vous asseoir vous rappellera d’être attentif. Il vous deviendra presque impossible d’ouvrir une porte ou de vous asseoir sans revenir dans l’instant présent.

Et je dois insister ici sur l’importance qu’il y a à en faire un engagement.

Les bénéfices sont incroyables. Nous parlons peut-être ici de 3 à 5 secondes d’attention vigilante à la fois, une poignée de fois par jour, pour planter fermement un pied dans une plus grande facilité, un bonheur plus concret et une gratitude plus profonde.

Si vous avez cherché un moyen facile et puissant de vous aimer, le voilà.

Si ça n’est pas déjà le cas, vous allez bientôt constater que les trains de pensées que vous devez interrompre pour être présent ici et maintenant sont rarement intéressants ou utiles. La plupart d’entre eux ne sont que du vacarme mental, qui se perpétue uniquement parce que vous ne mettez pas votre intention quelque part, dans un acte conscient d’engagement dans l’instant. C’est comme de la malbouffe pour votre esprit.

Avec ces rituels simples de la poignée de porte et de la chaise, la pratique de la pleine conscience – et le bonheur qui l’accompagne – établira une attitude solide dans votre comportement, que vous pourrez cultiver aussi largement et intensément que vous le souhaitez. Vous commencerez à remarquer ce que c’est que de vous attraper en train de ruminer dans une marmite de choses non pertinentes. Et, bientôt, vous vous tournerez plus souvent vers l’ici et maintenant – et plus seulement lorsque vous rencontrez une porte ou une chaise. 😉

Vous ne voudrez probablement pas vous abandonner pour tout le reste mais vous devriez effectivement le faire… Pas seulement en acquiesçant de la tête lorsque vous lisez cet article et en pensant que tout cela se produira de soi-même, sans effort, comme par magie. À l’échelle d’une journée, ce sont ces minuscules quantités de pratiques faciles qui génèreront de grandes récompenses au fil du temps.

Mais rien ne se passera si vous ne les faites pas ! Du coup, lorsque vous ouvrez une porte, soyez là en train d’ouvrir une porte ! Et lorsque vous vous asseyez, soyez vraiment attentif au fait que vous prenez place ! Tout cela vous allez le faire de toute façon, et plusieurs fois par jour, n’est-ce pas ? Alors souvenez-vous de faire en sorte que votre attitude d’engagement, en faisant ces choses simples, fasse une différence.

Cela ne dépend que de vous, vous ne croyez pas ?

 

Jean-Marc Terrel
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