fbpx

Étymologiquement parlant, la bienveillance est une disposition favorable de notre volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui. Il s’agit en fait de veiller au bien d’autrui.

La pratique de la Mindfulness – que l’on traduit à tort en français par pleine conscience plutôt que pleine attention ou pleine présence – peut se définir comme étant simplement le fait de “porter attention, sans jugement, à l’instant présent”.

Et si on en reste à cette seule définition, il me semble assez clair que cette pratique peut rapidement devenir assez sèche, égocentrique voire dangereuse.

La pleine conscience est-elle bienveillante ?

En effet, pourquoi un tueur en série ou un bourreau ne pourrait-il pas se prévaloir de cette pratique attentionnelle comme d’un simple outil pour faire souffrir ses victimes de façon encore plus consciente ?

Et cela soulève la question: pratiquer la pleine conscience est-il éthique ?

En quoi le fait de pratiquer la pleine conscience contribue-t-il à diminuer la souffrance individuelle et collective, voire à améliorer notre bien-être ? Est-ce vraiment une pratique basée sur la bienveillance ?

La réponse à ces questions ne paraît pas évidente et fait l’objet de débats au sujet de la définition de la Mindfulness.

Il existe, il me semble, deux courants de penser : le premier considère que, puisque Jon Kabat-Zinn – créateur et promoteur mondialement connu du protocole de réduction du stress basé sur la pleine conscience, le MBSR – est un pratiquant bouddhiste zen, alors la pleine conscience est une technique bouddhiste qui a été édulcorée de son contexte philosophique, sécularisée et simplifiée, pour ne pas dire déracinée. Et il existe beaucoup de confusion au sujet des différences entre la méditation et la pleine conscience.

Le second courant, dont je me sens plus proche, aujourd’hui, pense que la Mindfulness – comme la bienveillance d’ailleurs – est une aptitude universelle que l’on retrouve non seulement chez tous les individus mais aussi dans toutes les traditions.

Un entrainement spécifique de cette aptitude à la pleine conscience permet une réduction des perturbations mentales et une connaissance plus juste de la réalité et des phénomènes qui s’y manifestent.

Les formes que peuvent prendre cet entrainement sont corrélées à certaines cultures et traditions mais, sur le fond, la connaissance intime qui en provient débouche sur la libération de l’individu.

Bien entendu, il ne s’agit pas pour moi de savoir qui a raison ou qui a tort car toutes les perceptions sont vraies.

Ce que je remarque, c’est que beaucoup de décisions immorales et de comportements non-éthiques proviennent d’un manque d’attention à soi, aux autres et à la Vie en général. Et je constate que l’attention à l’instant présent conduit l’immense majorité des personnes – que je connais et qui cultivent leur aptitude à la pleine conscience – à agir de façon plus éthique que les personnes qui ne pratiquent pas. Je ne pense pas que ce constat ne soit que le mien.

Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de détournements non-éthiques ou de contrefaçons autour de la pleine conscience – qu’il faut identifier et dénoncer – mais qu’il existe un lien important entre le fait de pratiquer la pleine conscience et le fait d’agir avec éthique.

Une étude réalisée par l’Université Wharton de Pennsylvanie en 2010, sur 97 participants, et intitulée “Dans l’instant : les effets de la pleine conscience sur la prise de décision éthique” démontre d’ailleurs l’existence de ce lien. Le lien entre la pratique de la méditation pleine conscience et la bienveillance me paraît donc tout à fait évident.

Pourquoi méditer en pleine conscience cultive la bienveillance ?

Lorsque nous pratiquons la méditation, nous ne sommes pas les seuls à en bénéficier : même si nous n’en sommes pas conscients, notre pratique fait également du bien aux autres et contribue à leur bonheur. En effet, plus nous sommes apaisés intérieurement et calmes extérieurement, plus nous pouvons offrir aux autres le meilleur de nous-même.

Cet apaisement ne provient pas d’une absence d’émotions ou de ressentis – comme ce pourrait être le cas pour un tueur en série ou un bourreau – mais plutôt d’une forme d’acceptation et de lâcher-prise. C’est cette attitude qui permet d’accueillir la vie intérieure avec joie, sans s’identifier à celle-ci et sans réagir en mode zombie aux blessures du passé, aux attachements ou aux envies qui peuvent nous pousser à nous comporter de façon non éthique voire à agir contre notre volonté.

Pour le dire autrement, lorsqu’on s’entraine en pleine conscience au non-jugement, à l’attention inconditionnelle à ce que nous percevons au cœur de l’instant présent, je crois que nous cultivons nécessairement de la bienveillance d’abord envers nous-mêmes, puis envers les autres.

Et alors que travaillons le terrain de notre cœur par la méditation, vient ensuite le temps de partager cette nouvelle compréhension de la nature de notre esprit avec d’autres êtres, en reconnaissant qu’il y a une connexion qui nous relie tous.

En accueillant puis en apprenant à aimer inconditionnellement nos parts d’ombre et de lumière, nous apprenons aussi à aimer le Monde tel qu’il est, dans ce qu’il présente de plus sombre et de plus brillant. C’est un fondement pour une bienveillance authentique.

Nous découvrons alors que ce que nous voyons du Monde n’est pas le Monde mais le simple reflet de ce qui se trouve en nous. Car plus nous cultivons la noirceur en nous, plus la Vie nous paraît sombre et plus nous irradions de noirceur en apportant de la froideur autour de nous. Mais plus nous cultivons la lumière en nous, plus la Vie nous paraît lumineuse et plus nous rayonnons de lumière en apportant de la chaleur autour de nous.

C’est pour cela que ce que nous pratiquons dans notre méditation a réellement un effet profond sur tous les autres êtres et dans l’Univers entier. C’est comme une vibration, une onde “positive” ou “négative” qui fait résonner tout ce qu’elle touche.

Par conséquent, en termes d’éthique, la méditation pleine conscience est, de mon point de vue, une des pratiques les plus bienveillantes, que l’on puisse adopter dans sa vie.

Comment cultiver la bienveillance au quotidien ?

La pratique consiste simplement à “porter attention, sans jugement, à l’instant présent”.

Il n’en reste pas moins que, pour entretenir en soi la paix, la douceur ou la tranquillité de la méditation, il est indispensable d’avoir sa “conscience pour soi” ou, si vous préférez, d’avoir “bonne conscience”. Il faut se sentir aimable et être aimable. Car comment pourriez-vous sincèrement trouver la paix, la douceur et la tranquillité si vous savez que vos décisions sont immorales et vos comportements non-éthiques ?

C’est une question de cohérence.

Et c’est là toute l’importance de la bienveillance envers vous-même et envers les autres. L’attention à l’instant présent et la bienveillance sont les deux ailes qui vous permettent de trouver la sagesse, la paix profonde et la joie.

Sans la rencontre de ces deux aspects de la pratique, l’attention à l’instant présent sans bienveillance peut devenir une pratique sèche, froide et ennuyeuse.

Alors, à partir d’aujourd’hui, je vous invite à faire de la bienveillance un objet d’attention.

Oui, mais comment ?

Avec toute l’anxiété et l’incertitude auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, et avec la tendance de nos esprits à voir le verre à moitié vide plutôt que le verre à moitié plein, il peut sembler que le Monde et les personnes autour de nous manquent de bienveillance.

Pourtant, si vous décidez de vraiment remarquer et apprécier toute la bienveillance qui vous entoure chaque jour, vous pourriez être très surpris. Il s’agit, d’ailleurs, d’une pratique de pleine conscience comme une autre qui pourrait vous révélez toute la bienveillance qu’il y a autour de vous et à quel point il est heureux de la remarquer et de l’apprécier lorsqu’elle se produit.

Par exemple, si je regarde ces derniers jours :

  • Je suis conscient de la bienveillance exprimée envers moi par un grand nombre de personnes qui me suivent sur ce blog ou sur les réseaux sociaux.
  • Je suis conscient de la bienveillance que m’a exprimé l’amie que j’ai rencontré hier soir.
  • Je suis conscient de la bienveillance que mon voisin m’a témoigné en me donnant un coup de main pour décharger des objets beaucoup trop lourds pour moi et mes proches.
  • Je remarque la bienveillance presque continue et explicite des membres de ma famille à mon égard et ce même lorsque je suis au creux de la vallée.
  • J’apprécie la bienveillance de la caissière qui, en voyant m’a mine déçu, m’a quand même attribué la réduction sur ma dernière paire de sandales alors que la vendeuse s’était trompée de promotion et produit.
  • J’ai remarqué le sourire bienveillant du conducteur d’autobus lorsqu’il a ouvert la porte à ma fille qu’il venait de voir courir après le bus pour ne pas le rater.

En fait, lorsque nous sommes vraiment attentifs, nous découvrons une abondance de bienveillance autour de nous, dans de tout-petits gestes.

Une grande partie de cette profusion est facile à manquer car, à cause des biais cognitif, beaucoup de choses peuvent nous sembler si banales ou évidentes. Elles sont justes normales ou flagrantes, alors qu’il n’en est rien et que cela demande, en fait, de l’entrainement pour les observer.

D’un autre côté, si ces tout-petits gestes sont vraiment normaux, cela signifie que nous avons une énorme quantité de bienveillance à disposition, chaque jour, tout autour de nous.

Ayant pris conscience que les stocks de bienveillance débordent dans vos vies et que vous en bénéficiez chaque jour sans même vous en apercevoir, vous commencerez peut-être à réaliser que c’est comme si vous disposiez d’un magasin entier de surplus gratuits de bienveillance.

Alors, peut-être, pouvez-vous commencer à la répandre à d’autres personnes que vous rencontrez, à la donner avec un sourire ou un petit acte généreux. Plutôt que de véhiculer les ténèbres et la froideur, peut-être pouvez-vous décidez d’entretenir la lumière en vous et d’éclairer, même faiblement, le chemin de ceux qui vous entourent.

Vous et moi pouvons choisir d’être des sources de bienveillance, comme pour renvoyer avec gratitude et en écho toute la bienveillance que nous recevons objectivement et véritablement chaque jour des autres et de la Vie.

Et ce qu’il y a de fantastique, c’est que plus nous offrons de bienveillance, plus nous en recevons en retour, comme un écho qui multiplierai à l’infini le son originel, la vibration initiale.

Et c’est un des secrets de la pratique : le don de la bienveillance se multiplie lorsqu’on le partage, comme un virus ! Et cette bienveillance s’entretient aussi et peut-être surtout envers soi-même, dans la pratique attentive et sans jugement, à ce qui se joue pour vous ici et maintenant, dans l’instant.

 

Jean-Marc Terrel
Suivre

Pin It on Pinterest