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Dans une société qui fait une large place au paraître, faire le choix de l’authenticité peut sembler un pari risqué car il suppose une forme de vulnérabilité.

Mais lorsque nous assumons la pleine responsabilité de nos sensations, émotions et pensées, nous incarnons plusieurs des aspects clé de la pleine conscience comme, par exemple, le non-jugement ou l’acceptation. Et ce qui peut ressembler à une faiblesse apparente s’avère en réalité devenir une force qui – au travers de l’alignement entre le sentir, le penser et l’agir – se manifeste dans l’intégrité ou l’impeccabilité des comportements de la personne.

L’authenticité est donc l’une des fondations sur laquelle devrait bâtir tout pratiquant de méditation. Mais pourquoi l’authenticité est-elle si importante, qu’est-ce que c’est exactement et comment la manifester dans nos vies?

Parlons d’authenticité…

Pour commencer, il me paraît important de rappeler que tous les conditionnements auxquels nous sommes sujets ont formé comme des carapaces autour de notre être véritable. Le cœur de ce que nous sommes est caché derrière des masques culturels, éducationnels et personnels qui sont comme autant de couches de protection que notre espèce a développé pour faire face aux nécessités relationnelles du vivre ensemble.

Pourquoi des protections ? Parce que, comme vous l’avez sans doute constaté, les relations humaines peuvent être la source de profondes blessures émotionnelles. Codifier toutes nos relations a donc été une stratégie utile nous permettant de faire face à toutes sortes de souffrances créées par notre peur de l’autre afin de mettre en place entre nous des logiques de coopération plutôt que de compétition. Ces logiques de coopération ont été cruciales pour l’étonnante survie de notre espèce qui, par rapport à bien des prédateurs, est dénuée de crocs, de griffes, de carapaces, possède des sens assez peu développés et doit prendre soin de sa progéniture pendant plusieurs années avant que celle-ci soit autonome. 😀 Le fait d’être des animaux sociaux nous a permis de survivre jusqu’ici.

Le problème, c’est qu’en masquant systématiquement notre véritable nature derrière les apparences et les faux-semblants que nécessitent l’adaptation sociale, nous avons aussi appris à moins nous écouter, voire à nous renier nous-même, pour rentrer dans le moule.

Retrouver le chemin de l’authenticité passe donc par un ré-apprentissage de l’écoute de soi, par la prise de conscience et l’abolition des masques et, finalement, par la mise à distance – voire la destruction – du moule des conditionnements personnels et sociaux.

Ce faisant, soyons clairs : je n’invite pas ici à devenir un inadapté social ou à se retirer du monde comme le prônent certains renonçants. 😉 Pour moi, le renoncement peut constituer une phase du processus de transformation du cœur mais en nous éveillant à ce qui est au-delà de notre intérêt individuel, nous découvrons que nous sommes toujours le blé pour le moulin d’un autre.

Cela signifie que l’isolement peut précéder le retour à la communauté mais qu’il ne doit pas en être l’issue ; il n’est pas une marque d’authenticité. Cette dernière consiste plutôt à trouver sa place au sein de la société en étant vraiment soi et non pas en faisant comme si on était quelqu’un d’autre que soi, parce que c’est ce qui est implicitement ou explicitement attendu par le groupe. Et vous m’accorderez que cela demande plus qu’une simple opinion sur le sujet : cela exige une vraie conviction sur l’importance et les bienfaits de vivre avec authenticité au sein de nos groupes d’appartenance.

Et nous faisons face ici, selon moi, au premier des problèmes : beaucoup d’entre nous partagent des opinions mais peu parmi nous ont des convictions.

Il n’y a pas d’authenticité sans conviction

Le philosophe Platon représentait l’état de notre nature humaine au travers de l’allégorie de la caverne qui décrit la façon dont nous pouvons vivre dans l’illusion et l’ignorance, en observant des ombres projetées par un feu sur un mur que nous prenons pour la réalité.

Ma conviction c’est aussi que la plupart d’entre nous ont, sur les choses de la vie, des avis qui reposent sur des influences personnelles, familiales ou sociales très incertaines et donc éphémères. Pour moi, une opinion est faite à la fois de croyances faibles et d’émotions fortes. Il s’agit plutôt d’un jugement incertain que l’on porte sur soi, les autres ou sur la Vie et qui de l’ordre de la pensée collective ou dominante. Il n’est ni nécessairement juste, ni obligatoirement faux et il peut faire l’objet de revirements d’opinions. D’ailleurs, les sondages auprès de ne sont-ils pas l’une des manifestations modernes les plus criantes de l’incertitude de l’opinion publique ?

Ces avis incertains, ce sont bien des opinions qui, à l’ère des médias, reposent souvent sur le rabâchage d’émotions collectives aisément manipulables par toutes sortes de groupes d’intérêts industriels, commerciaux ou politiques. Platon enseignait déjà dans l’Antiquité que le premier pas de la philosophie consiste à prendre conscience de son ignorance, c’est-à-dire de prendre un certain recul par rapport à ses opinions. Ce n’est pas chose aisée car, en pratique, on constate qu’il n’est ni facile de se défaire de ses préjugés ou opinions toutes faites, ni simple de prendre du recul par rapport à ses propres émotions.

La sortie de la caverne représente le fait que, lorsqu’on commence à réfléchir, on prend une certaine distance par rapport à ses opinions et on apprend à distinguer ce qui est réel de ce qui est apparent ou illusoire. Et le fait est que, en ce début de 21ème siècle, peu d’humains ont réellement quitté leurs cavernes platoniques : en ce qui concerne les “choses de la vie”, il n’y en a guère qui ont dépassé le stade de la seule émotion forte pour atteindre celui de la conviction intime. Or c’est exactement ce que facilite la pratique de la pleine conscience.

La force de la conviction, c’est qu’elle nait de la conjonction entre des valeurs fortes et des émotions fortes. C’est à la fois une certitude de l’esprit et du corps qui se manifeste, premièrement, par le fait de croire en ce qu’on pense et en ce qu’on dit, deuxièmement, par le fait d’agir en cohérence avec ce en quoi on croit. Évidemment, tout en étant de l’ordre de l’intime, cette croyance ne doit pas être aveugle ou dogmatique. Elle doit toujours laisser une place au doute raisonnable et à la remise en question, tout en produisant une forme d’enthousiasme dans l’action, envers et contre tout, y compris au péril de sa propre vie. 😉

Certes cela peut paraître excessif car vous m’accorderez que, à moins d’être enrôlés de force, peu parmi nous sont disposés à mourir pour défendre leurs convictions plutôt qu’à sauver leur peau… Certains sceptiques affirment même que l’instinct de survie l’emportera toujours sur les convictions et l’authenticité. Parfois, sans doute. Toujours, certainement pas.

Car comment ne pas reconnaître que les exemples héroïques et inspirants ne manquent pas ? Comment ne pas constater que notre Histoire est faite d’hommes et de femmes de conviction qui, parfois au prix de leurs propres vies, ont contribué à faire évoluer nos consciences malgré l’opprobre, l’injustice ou la torture ? Comment ne pas reconnaître le fait que toute l’espèce humaine s’est élevée vers des valeurs plus nobles grâce à l’authenticité de ces personnes ? Qu’avaient donc de si différent, pour n’en citer que quelques-uns, Jean Moulin, Aung San Suu Kyi, Nelson Mandela ou Simone Veil ? Je crois que, contrairement à la majorité de l’espèce, ils savaient précisément :

  • ce en quoi ils croyaient et
  • pourquoi ils le croyaient.

Ces personnes ne sont pas demeurées au stade très inconstant et inconsistant des émotions fortes qui les avaient ébranlé.

Au-delà des émotions qui les ont mises en mouvement, elles ont – sur la base de valeurs claires et en assumant la responsabilité d’être vraiment les personnes qu’elles étaient – élaboré des convictions fortes qui dépassaient leur seul ego, dans le but de servir quelque chose de plus grand qu’elles-mêmes : un peuple ou une cause profondément humaniste.

Puis elles se sont engagées corps et âme dans la défense de leurs convictions malgré la pensée dominante et la pression sociale du “qu’en-dira-ton”. Elles ont affirmé leurs certitudes avec authenticité et sont devenues ces grandes figures inspirantes qui ont élevé notre niveau de conscience collectif et changé le cours de l’histoire humaine.

Émotion > Conviction > Engagement > Transformation

Derrière leur histoire se trouve un modèle d’authenticité qui nous montre que lorsque l’émotion se transforme en conviction puis en engagement, la transformation personnelle et sociale se produit. Ce modèle n’est évidemment pas complet puisque certaines formes d’engagement, par exemple dans des politiques totalitaires ou eugénistes, peuvent produire des transformations personnelles et sociales qui abaissent notre niveau de conscience collective en nous privant de notre liberté de choisir et, donc, de notre responsabilité personnelle.

Alors quels sont donc les ingrédients manquants à ce modèle ?

Qu’est-ce que l’authenticité selon moi ?

Commençons par définir ce qu’est l’authenticité.

On utilise souvent ce terme avec l’idée de transparence et de vulnérabilité. En fait, il s’agit d’une qualité qui se manifeste par le fait d’être vraiment soi-même, par delà les masques, les “il faut que je me comporte ainsi” et les “je devrais réagir de cette façon sinon”… Tous ces conditionnements qui nous poussent à “devoir être” une autre personne que celle qui est présente en nous à chaque instant, à combattre notre soi intérieur pour satisfaire une conception de nous-mêmes qui nous a été comme imposée par notre culture et notre éducation.

Mon papa disait toujours : “sois un bon garçon”, “sois poli”, “ne pleure pas comme une fille”, “sois gentil avec les gens”, “travaille bien à l’école”, “ne gâche pas la nourriture, finis ton assiette”, “tiens-toi tranquille, arrête de bouger”, “respecte tes ainés”, etc. Toutes ces manières d’êtres, ces injonctions, ont façonné mon attitude en société, en éduquant une partie de moi à se comporter selon les attentes des autres pour le meilleur et pour le pire.

Et j’ai commencé à me sentir obligé de faire des choses pour plaire à autrui et puis, avec le temps, j’ai oublié mon sentiment d’obligation et, la plupart du temps, ce que je ressentais vraiment. Ce faisant, comme chacun de nous, j’ai appris à masquer puis à renier ma vie intérieure qui ne semblait jamais adéquate pour celles et ceux dont, en tant qu’enfant, je recherchais l’amour et l’approbation.

Faire le choix de l’authenticité consiste reconnecter avec notre vie intérieure. Cela consiste à ressentir que, tant que nos actes ne nuisent pas à autrui – plutôt que toujours faire ce que l’on juge devoir faire – on doit aussi simplement faire ce qu’on a envie de faire sans se soucier de l’opinion d’autrui.

Il s’agit de redevenir fidèles à nous-mêmes en étant pleinement présents aux messages transmis par nos émotions, en étant à l’écoute de nos ressentis et de nos pensées. Être authentique, c’est s’exercer à être présent à 100% à ce que nous sommes dans chacune de nos conversations.

Il s’agit également, dans le cadre de nos relations les plus précieuses, de rendre accessible une partie de notre vie intérieure à d’autres. Sur ce dernier point, beaucoup de personnes ont une opinion erronée de l’authenticité : elles ont peur que le fait d’être authentiques les pousse à donner trop d’informations, à être indiscrètes, à manquer de tact ou de discernement ou à dominer une conversation en parlant trop d’elles. Et ça n’est pas du tout ce dont je veux parler quand je parle d’authenticité.

Personne ne vous dira que l’authenticité est un des savoir-faire nécessaires au bien-être personnel et social. Je vous le dis. 😀 En pratiquant l’authenticité de façon systématique, nous ouvrons l’accès à une forme de profondeur et d’honnêteté avec nous-mêmes.

Nous apprenons à vivre une relation ouverte, amicale et intime avec notre propre expérience, qui est au cœur des valeurs de la pleine conscience. Cette relation ne peut se faire que dans un climat d’acceptation que favorise la pratique et qui permet d’assumer petit à petit toutes les facettes de nous-mêmes que nous découvrons dans l’observation attentive et sans jugement de ce qui est présent en nous.

Cette ouverture à tout ce qui se passe au dedans va de pair avec une ouverture à tout ce qui se passe au dehors dans nos conversations et dans nos relations. En étant authentiques, nous mettons également en place les conditions propices à l’établissement de relations saines, exemptes de faux-semblants. Ces relations sont construites sur le don et la transparence plutôt que sur le gain et l’opacité.

Le secret de l’authenticité, en fait, c’est qu’en s’acceptant soi-même dans toutes ses parts sombres et lumineuses, on apprend aussi à accepter autrui dans toutes ses ambivalences. C’est libérateur et cela favorise l’amour inconditionnel et la bienveillance.

Vivre l’authenticité en conscience

Une attitude authentique nous permet de vivre en cohérence avec nos propres valeurs et croyances tout en faisant confiance à nos ressentis corporels.

Ce faisant, nous développons notre intelligence émotionnelle, notre conscience de soi et notre confiance en soi, ainsi que notre empathie. Notre santé physique s’en trouve améliorée parce que nous savons mieux écouter notre corps et notre santé mentale se bonifie parce que nous favorisons, au travers de tout cela, notre capacité de résilience.

Faire le choix de l’authenticité, c’est accorder du crédit à notre corps en lui faisant confiance pour ce que nous ressentons. 😉 Nous avons le courage de briser le moule, de nous conduire avec confiance dans la vie et, si nécessaire, d’inspirer les autres.

Nous permettons également à ceux qui nous entourent de prendre soin d’eux-mêmes parce que nous ne sommes que peu ou pas dans ce mode défensif qui provient de l’insécurité générée par les conditionnements de l’ego.

Être authentique, cela signifie “être vraiment soi-même” dans toutes les circonstances et à tout instant. Cela n’est possible que lorsque nous savons vraiment qui nous sommes intérieurement, quelles sont nos valeurs et nos croyances et quelles sont les priorités auxquelles nous tenons ou aspirons dans notre vie.

L’authenticité est un mode de vie qui actualise notre plus haut potentiel, de manière éthique. Il implique en effet une transparence qui n’est possible que lorsque nous voulons être ouverts et flexibles, et donc vulnérables. L’authenticité est liée à ce qui nous passionne et au fait d’agir avec cœur ET avec raison. Elle exige l’intégrité de tout notre être, l’intégration du corps, de l’âme et de l’esprit dans tout ce que nous faisons. C’est un des piliers de la mindfulness.

La pleine conscience nous permet d’entrainer toutes les compétences requises pour remplir les critères de l’authenticité. Elle nous offre un chemin qui assure le développement et la compréhension de l’ensemble de la personne. C’est une forme holistique de développement de l’individu qui va au-delà du simple perfectionnement de compétences techniques. Elle est au cœur de ce que nous sommes et nous permet d’être un plus qui nous sommes.

La pratique nous permet également de passer à une mentalité d’abondance alors que nous commençons à développer une plus grande appréciation pour tout ce que nous sommes, pour tout ce que nous faisons et tout ce que nous avons.

Vivre à partir de cette attitude authentique est joyeux car, en nous coulant de plus en plus dans le flux naturel de la Vie, notre vie s’écoule dans le non-effort, sans combat contre nous-même.

 

Jean-Marc Terrel
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